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Elizabeth II et la Nouvelle-Zélande : retour sur 70 ans de règne

La mort de la Reine Elizabeth II met fin à un chapitre long, complexe et remarquable de l'histoire de la Nouvelle-Zélande, passant d’une colonie à une nation indépendante, biculturelle et multiculturelle. Tout au long de son long règne, Elizabeth II a été admirée par la plupart des néo-zélandais, même si l’institution qu’elle représentait était parfois aussi le symbole d’un lourd passé colonial.

Décryptage de 70 années de règne d’Elizabeth II par l’historienne Katie Pickles.

La première tournée de la Reine Elizabeth II en Nouvelle-Zélande

Le point culminant dans le royalisme néo-zélandais, a été observé lors de la première visite de la jeune Reine et du Duc d'Édimbourg entre Décembre 1953 et Janvier 1954. A cette période, on estime que trois personnes sur quatre se sont déplacées pour voir le couple royal au cours de leurs apparitions publiques. La présence de la reine a également exaucé le souhait tant attendu qu'un monarque britannique se rende en Nouvelle-Zélande. La guerre, puis la mauvaise santé, avaient auparavant empêché la possibilité d'une tournée du Roi George VI.

Au cours de sa tournée néo-zélandaise, Elizabeth II a fait forte impression. Elle est apparue comme une reine jeune et rayonnante, dévouée au service de son peuple. Elle a charmé une génération de personnes plus âgées et a marqué les esprits des enfants qui ont fait la queue pour la voir.

Moins de 40 heures après son arrivée en Nouvelle-Zélande, le leadership de la jeune Reine a été mis à l'épreuve lorsque 151 personnes sont mortes dans la catastrophe ferroviaire de Tangiwai la veille de Noël. Elle a rendu visite aux survivants et a partagé des paroles de réconfort dans ses discours, renforçant son lien avec les habitants du pays.

La couronne portée par une femme

Ce n'est qu'en 2011 que les femmes sont devenues égales aux hommes dans les règles de succession royale britannique. Les Reines n'ont accédé au pouvoir qu'en l'absence d'héritier mâle. Pourtant, ce sexisme historique a fait des Reines britanniques des figures féminines fortes. En effet, au cours des deux derniers siècles de la monarchie britannique, ce sont la Reine Victoria (qui a régné pendant près de 64 ans) et la Reine Elizabeth II (qui a régné pendant 70 ans) qui se sont démarquées comme les monarques les plus importantes et au plus long règne. Les deux ont joué un rôle crucial dans l'histoire de la Nouvelle-Zélande.

Selon l'historienne, Katie Pickles, « l'impérialisme féminin », symbolisé par les règnes de Victoria et d'Elizabeth, encourageait les femmes à soutenir l'Empire britannique et le Commonwealth. En retour, cela a contribué à élever le statut des femmes dans la société. Par exemple, les deux Reines ont inspiré les femmes à sortir de la maison et à travailler pour la nation, souvent à des postes en tant qu'enseignantes ou infirmières.

Un statut de célébrité

Au cours des 70 dernières années, la reine est devenue une sorte de célébrité moderne, incontournable dans les magazines féminins, à la radio, à la télévision et sur les réseaux sociaux. En plus de venir la voir en personne lors de ses dix tournées en Nouvelle-Zélande, les kiwis « l'ont emmenée chez eux » en conservant des coupures de presse, des photos et des souvenirs.

Lors de sa première tournée, le New Zealand Woman's Weekly s'est prononcé sur le rôle de la reine dans la relation durable avec la Grande-Bretagne, “un lien encore plus fort sera consolidé”. En 1963, elle était "charmante" avec "l'éclat époustouflant de [sa] tenue en soie de paon". En 1970, elle était "une reine de conte de fées". En 1977, "La Reine est la perfection". Les médias néo-zélandais ne tarissait pas d’éloges au propos de la Reine.

Relation avec une colonie

Avec l’évolution du statut de la Nouvelle-Zélande, passant d’un pays colonisé à un état souverain, la notion d’une culture impériale britannique "supérieure" - avec un monarque lointain à la tête de l'État - est devenue dépassée. Plus important encore, la colonisation et l'assimilation des peuples autochtones ont été remises en question.

Comme l'a montré l'historien Michael Dawson, la participation des Maoris était minime aux Jeux du Commonwealth de 1950 à Auckland. Il n'y avait pas d'accueil ni de présence maorie lors des cérémonies d'ouverture ou de clôture, avec seulement une performance musicale à l'arrivée des athlètes et des officiels dans le pays.

Par ailleurs, les Kīngitanga (un mouvement qui a surgi parmi certaines tribus maories pour établir un rôle de statut similaire à celui du monarque britannique) ont dû faire pression pour que la Reine visite la ville de Ngāruawāhia. Ce qui s'est finalement produit, la Reine et le Duc décidant spontanément d'y passer plus de temps que prévu.

Sous le règne de la Reine Elizabeth II, le rôle de la Couronne dans la réparation du passé colonial est devenu un élément essentiel du développement post-colonial de la Nouvelle-Zélande. Après beaucoup d'agitation, le tribunal de Waitangi a été créé en 1975 pour enquêter sur les violations par la Couronne du traité de Waitangi.

Abandonner la Grande-Bretagne ?

À la fin du XXe siècle en Nouvelle-Zélande, des sentiments républicains frémissaient mais s'il y a eu un moment où la rupture républicaine aurait pu se produire, elle a été manquée. La Nouvelle-Zélande s'est montrée plus réticente que l'Australie, où un référendum sur la constitution d'une république n'a été rejeté que de justesse en 1999.

Les tentatives de changer le drapeau et de retirer l'Union Jack ont échoué lors d'un référendum en 2016. Par ailleurs, la Nouvelle-Zélande n'a toujours pas sa propre constitution décrivant ses lois fondamentales de gouvernement. Au lieu de cela, le pays s’appuie sur une constitution conglomérale et le chef de l’État reste un monarque héréditaire qui vit à l'autre bout du monde.

Aotearoa après Elizabeth

La mort de la Reine offre une nouvelle occasion pour la Nouvelle-Zélande de réévaluer son identité nationale. Le Roi Charles et la Reine consort Camilla n’étant pas aussi populaires qu’Elizabeth II. Mais la Grande-Bretagne postcoloniale et le Commonwealth moderne ont encore beaucoup à offrir à une Nouvelle-Zélande de plus en plus multiculturelle. Plus important encore, il est temps pour le pays des kiwis d'entamer une réflexion sur la façon dont les différentes facettes de la Nouvelle-Zélande contemporaine (traditions libérales et égalitaires, notions de gouvernance des colons Pākeha, Te Ao Māori et la connexion spéciale Iwi-Crown) pourraient fonctionner ensemble à l'avenir. Après tout, les Maoris ont signé le traité avec la Reine Victoria notamment pour se protéger du comportement des colons indisciplinés.

La Nouvelle-Zélande du XXIe siècle a-t-elle encore besoin d'un monarque pour se protéger du colonialisme ? Quelle que soit la réponse, tout éloignement de la Couronne doit honorer l'histoire dont Elizabeth II a joué un rôle si important.